Login

Pépinières Cotte : diversifier et sécuriser

C. THIERY

Performantes pour un investissement réduit : les serres photovoltaïques séduisent de plus en plus. À condition que le choix des cultures tienne compte de la luminosité.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Jean-Michel Cotte dirige, avec son frère Pierre, le GAEC de Chanteperdrix (Peyrins, 26). L’exploitation, qui s’étend sur cent cinquante hectares, comprend plusieurs types de production : grandes cultures, pépinières pleine terre, dont une grande partie à destination des arboriculteurs professionnels (production de scions fruitiers), pépinière hors-sol ornementale et fruitière. C’est, au départ, pour sécuriser cette dernière production par rapport aux risques liés au gel, qu’un projet de serre photovoltaïque a été initié au début des années 2010. Le principe de ce type de construction consiste à mettre à disposition d’une société d’investissement, ici la société Reden Solar, un bien foncier sur lequel cette dernière financera la construction d’une serre performante. En contrepartie de ce financement complet (hormis les terrassements), Reden Solar installe sur toutes les toitures orientées au sud, soit 50 % de la surface de toiture, des panneaux photovoltaïques pour la production d’électricité solaire, injectée directement sur le réseau EDF à 20 000 volts. « Nous disposons déjà depuis 2010 d’un hangar photovoltaïque de 350 m² construit sur le même principe, explique Jean-Michel Cotte. Celui-ci ne nous a rien coûté, hormis le coût des terrassements, et nous permet aujourd’hui d’y stocker notre matériel. Par la suite, comme d’autres horticulteurs de la région, nous avons été démarchés par une société d’investissement pour la construction d’une serre. À l’époque, ce projet n’a pu aboutir, car à partir de 2012, compte tenu de conditions économiques de moins en moins avantageuses avec la baisse des tarifs de rachat de l’électricité solaire, de nombreux projets photovoltaïques ont été gelés voire abandonnés. Ceux-ci ont été remis en route à partir de 2015-2016, suite au plan de relance du gouvernement. C’est la société Fonroche Energie (1) qui nous a recontacté. Notre projet de serre a repris son cours et s’est concrétisé en 2018 ».

Deux hectares de serres modernes

La société REDEN Solar fait appel à des serristes hollandais, la société Veronen, qui assure l’ensemble des travaux : creusage et coulage des fondations, construction de la structure, installation et maintenance de l’ordinateur climatique, raccordement réseau. Seul le coût du terrassement est à la charge de l’entreprise. Dans le cas des pépinières Cotte, cela a représenté tout de même 80 000 euros hors taxes de travaux pour mettre à niveau une plateforme de plus de deux hectares, selon les cotes et le cahier des charges du constructeur, soit une pente maximum de 2 pour 1 000, alors qu’initialement, le terrain présentait une différence de niveau de plus de huit mètres d’un bout à l’autre.

Si les terrassements, décapage et mise en stock de la terre végétale, nivellement du terrain, remise en place de la terre végétale se sont effectués dans de bonnes conditions climatiques, cela n’a pas duré. Les fondations ont été réalisées par temps pluvieux, de même que l’ensemble de la construction. Les engins ont roulé sur un sol trempé, aussi, à l’intérieur de la serre, on se retrouve aujourd’hui par endroits avec de la terre végétale fortement compactée. Cela a peu d’importance si on fait des cultures hors sol, mais pour des cultures de pleine terre, cela demandera plusieurs années pour rétablir un sol fertile avec de bonnes propriétés physiques par des apports de matière organique et culture d’engrais verts. L’entreprise a la chance de disposer, auprès d’un éleveur voisin, d’importants volumes de fumier de bovins en échange de la paille issue de ses cultures céréalières.

« Si le foncier reste notre propriété, l’ensemble de la structure appartient à Reden Solar, nous louons cet outil via un bail emphytéotique (2) de 30 ans, poursuit Jean-Michel Cotte. À l’issue de cette période qui correspond globalement à la durée de vie des modules photovoltaïques, nous récupérerons l’ensemble de la construction en pleine propriété. Durant cette période, c’est la société Reden SOLAR qui assure l’entretien régulier : nettoyage des modules et vitrages, réparations diverses sur la structure, maintenance de l’ordinateur climatique ».

Diversifier la production

Jusqu’à présent, seule une partie des conteneurs, où se trouvaient les plantes les plus fragiles, était hiverné en tunnel, et remis en plein air au printemps. Disposer d’une serre froide de grand volume permet aujourd’hui de pouvoir hiverner l’ensemble de ces plantes, voire d’y pratiquer une culture à l’année, notamment les multiplications par semis, bouturage ou greffage, et de diversifier les productions. Hygrométrie et température y sont mieux gérées qu’en tunnel, grâce à l’ordinateur climatique et au volume intérieur (4,50 m de hauteur aux pieds droits). La serre est en simple vitrage, en hiver la température intérieure est proche de l’extérieur, sauf au niveau du sol où elle est supérieure de quelques degrés. Les panneaux photovoltaïques occultant toutes les toitures orientées au sud, le soleil n’atteint pas directement le sol, cela limite fortement le réchauffement du sol par rayonnement. De plus, la lumière peut être un facteur limitant pour certaines cultures, même en été pour les journées non ensoleillées. L’entreprise a fait des essais sur des cultures de courgettes à l’été 2018, notant un bon comportement des plantes en fin de saison et une lumière suffisante.

« Notre entreprise est depuis quelques années fragile économiquement, cela est dû en partie à une forte baisse des ventes de scions fruitiers, notamment les abrico tiers, les arboriculteurs français étant de moins en moins attirés par cette production ( forte concurrence de l’abricot espagnol) , précise le producteur. Nous avons aussi une baisse du chiffre d’affaires sur la pépinière ornementale. Ce nouvel outil va nous permettre de réorienter la production vers plus de diversification. Ces nouvelles cultures se décident en fonction d’opportunités commerciales. Depuis l’automne, nous avons mis en place plusieurs productions : petits fruits (framboisiers), pomme de terre primeur en pleine terre et hors sol, semences potagères avec la société HM Clause : courgettes sur 2 000 m², et fenouil sur 3 000 m² ».

Pour la production de framboises, à condition de garder les portes fermées, la hauteur des ouvrants à plus de 4,50 mètres empêcherait, selon les techniciens, les attaques de drosophiles, ces dernières ne volant pas au-delà de 3 m du sol, mais cela reste à vérifier. La pépinière ornementale n’occupe encore qu’une seule travée en hors-sol. « Nous ne savons pas encore dans quelle direction nous allons orienter ce secteur, la serre peut là aussi nous permette plus de diversification : multiplication par bouturage ou semis, plants mycorhizés, développement des cultures en conteneurs ».

Autre changement significatif pour l’entreprise, le fait de disposer d’une activité sous abri permet d’organiser différemment les journées de travail en limitant les intempéries et les conditions de travail difficiles. Cela peut rendre le métier plus attractif, dans un secteur qui peine à recruter.

Claude Thiery

(1) La branche solaire de Fonroche Energie est devenue depuis 2017 REDEN Solar.

(2) Bail immobilier de très longue durée.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement